Texte de Ulrich von Hutten lu par Thomas Rortais.
Enregistrement : service PAVM | DNUM de l’Université Jean Moulin Lyon 3 dans le cadre du webdocumentaire https://medecin-et-douleur-16e18e.huma-num.fr/
Introduction (Raphaële Andrault et Ariane Bayle) :
En 1519, l’humaniste allemand Ulrich von Hutten, atteint par la syphilis au sortir de l’adolescence, relate son expérience personnelle de la ...maladie dans un traité sur le gaïac, un bois exotique utilisé en cure. Il donne une description particulièrement détaillée des symptômes et douleurs causés par cette maladie, encore émergente au début du 16e siècle. Il insiste sur l’effet désastreux des traitements incertains administrés aux syphilitiques.
Texte (Ulrich von Hutten) :
Nous nous traitions, en effet, par les bains, les fomentations de plantes, les tisanes et l’assèchement des ulcères. Pour cet usage précis, on recourait à l’arsenic, au sulfate de fer, à la poudre de vert de gris […]. Mais le plus douloureux de tous les traitements était l’application d’onguent, et, dans celui-ci, le pire était que ceux qui prescrivaient ces soins ne connaissaient pas eux-mêmes la médecine. En effet les chirurgiens n’étaient pas les seuls à prescrire ce remède, mais des individus pleins d’impudence allaient d’un malade à l’autre, jouant les médecins, reproduisant ce qu’ils avaient vu faire aux autres ou avaient eux-mêmes subi. Le même onguent était utilisé pour tous les malades, et, comme on dit, tous chaussaient le même soulier, on soignait tous les malades avec le même collyre. Si entre temps quelque chose arrivait à un malade, comme ils n’avaient pas de connaissances, ils n’étaient pas en mesure de donner un conseil. Et on supportait ces charlatans, comme c’est toujours le cas dans les moments de panique générale, puisque, face au silence des médecins, chacun était libre d’expérimenter ce qu’il voulait.
C’est pourquoi les malades étaient soignés sans aucune méthode, sans préceptes, si ce n’est qu’ils étaient tous torturés à la chaleur et à la vapeur de la même manière, sans qu’on ne tienne aucun compte ni de leur situation propre, ni de leur degré de robustesse. […] Leur cerveau était atteint, de sorte que beaucoup étaient en proie aux vertiges, certains à la folie. Une autre conséquence était que leurs mains tremblaient, mais aussi leurs pieds et tout leur corps, leur langue ne prononçait que des sons inintelligibles, et, pour certains, c’était sans remède. J’ai vu bien des malades mourir pendant le traitement, et j’ai connu un « guérisseur » qui, dans la même journée, a misérablement assassiné trois paysans en les enfermant dans une étuve trop chaude […]. Très peu ont guéri, et ce fut au prix de ce danger, de cette douleur, de ces souffrances.
Réf : Ulrich von Hutten, La Vérole et le remède du gaïac, trad. par Brigitte Gauvin, Paris, Belles Lettres, « Le miroir des humanistes », 2015, p. 252-255.
Licence
Creative Commons Attribution 4.0 International (CC-BY-4.0)Collection
nakala:title | Français | Souffrir entre des mains incompétentes | |
Suffering in Incompetent Hands | |||
nakala:creator | Thomas Rortais et Ulrich von Hutten | ||
nakala:created | 2020 | ||
nakala:type | dcterms:URI | Son | |
nakala:license | Creative Commons Attribution 4.0 International (CC-BY-4.0) | ||
dcterms:description | Français |
Texte de Ulrich von Hutten lu par Thomas Rortais. Enregistrement : service PAVM | DNUM de l’Université Jean Moulin Lyon 3 dans le cadre du webdocumentaire https://medecin-et-douleur-16e18e.huma-num.fr/ Introduction (Raphaële Andrault et Ariane Bayle) : En 1519, l’humaniste allemand Ulrich von Hutten, atteint par la syphilis au sortir de l’adolescence, relate son expérience personnelle de la maladie dans un traité sur le gaïac, un bois exotique utilisé en cure. Il donne une description particulièrement détaillée des symptômes et douleurs causés par cette maladie, encore émergente au début du 16e siècle. Il insiste sur l’effet désastreux des traitements incertains administrés aux syphilitiques. Texte (Ulrich von Hutten) : Nous nous traitions, en effet, par les bains, les fomentations de plantes, les tisanes et l’assèchement des ulcères. Pour cet usage précis, on recourait à l’arsenic, au sulfate de fer, à la poudre de vert de gris […]. Mais le plus douloureux de tous les traitements était l’application d’onguent, et, dans celui-ci, le pire était que ceux qui prescrivaient ces soins ne connaissaient pas eux-mêmes la médecine. En effet les chirurgiens n’étaient pas les seuls à prescrire ce remède, mais des individus pleins d’impudence allaient d’un malade à l’autre, jouant les médecins, reproduisant ce qu’ils avaient vu faire aux autres ou avaient eux-mêmes subi. Le même onguent était utilisé pour tous les malades, et, comme on dit, tous chaussaient le même soulier, on soignait tous les malades avec le même collyre. Si entre temps quelque chose arrivait à un malade, comme ils n’avaient pas de connaissances, ils n’étaient pas en mesure de donner un conseil. Et on supportait ces charlatans, comme c’est toujours le cas dans les moments de panique générale, puisque, face au silence des médecins, chacun était libre d’expérimenter ce qu’il voulait. C’est pourquoi les malades étaient soignés sans aucune méthode, sans préceptes, si ce n’est qu’ils étaient tous torturés à la chaleur et à la vapeur de la même manière, sans qu’on ne tienne aucun compte ni de leur situation propre, ni de leur degré de robustesse. […] Leur cerveau était atteint, de sorte que beaucoup étaient en proie aux vertiges, certains à la folie. Une autre conséquence était que leurs mains tremblaient, mais aussi leurs pieds et tout leur corps, leur langue ne prononçait que des sons inintelligibles, et, pour certains, c’était sans remède. J’ai vu bien des malades mourir pendant le traitement, et j’ai connu un « guérisseur » qui, dans la même journée, a misérablement assassiné trois paysans en les enfermant dans une étuve trop chaude […]. Très peu ont guéri, et ce fut au prix de ce danger, de cette douleur, de ces souffrances. Réf : Ulrich von Hutten, La Vérole et le remède du gaïac, trad. par Brigitte Gauvin, Paris, Belles Lettres, « Le miroir des humanistes », 2015, p. 252-255. |
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Anglais |
https://medecin-et-douleur-16e18e.huma-num.fr/en/excerpts Introduction (Raphaële Andrault and Ariane Bayle, translated by Sarah Novak): In 1519, the German humanist Ulrich von Hutten, who had contracted syphilis in late adolescence, wrote about his personal experience of the disease in a treatise on guaiacum, an exotic wood used medicinally. He gives a particularly detailed description of the symptoms and pain caused by this disease, which was still emerging at the start of the 17th century. He emphasizes the disastrous effects of dubious treatments given to syphilitics. Text (Ulrich von Hutten) : [I struggled] with the Disease nine Years together, taking all the time whatever was thought proper to withstand the Disease; such as Baths with Herbs, Drinks, and Corrosives, of which kind we had Arsnick, Ink, Calcantum, Verdegrease and Aquafortis […]. For these Curings were exceedingly painful that were set upon by these Ointments, and the more so, being set about by ignorant Men, who knew nothing of their Operation; for not only the Surgeons, but evey bold Fellow played the Physician in this Business, using to all manner of sick People the same Ointment, either as he had seen used by others, or as he had undergone it himself. And so they undertook to cure all with one Medicine; or as the Proverb says, the same Shoe for every Foot. If any thing happened wrong for want of good Advice, they knew not what to do or say; and these Men Tormentors were suffered thus to practice on all Persons as they were minded, whilst the Physicians were as Man struck dumb, not knowing what Course to take; and thus without Rule or Order, with torment of Heat, and plenty of Sweat, all were set upon after one Fashion, without regard of Time, Habit or Complection. […] Many were so light and giddy that they could not stand. Some [ran] mad, and not only their Hands and Feet, but their whole Bodies trembling. Some also were forced to mumble and stammer in their Speech as long as they lived, without any Remedy. Many I have seen die in the midst of these Curations; and one I knew who did his Cures in such manner, that in one Day he killed three Husbandmen, through excessive Heat, which they patiently underwent, being shut up in a close Stove […]. Very few were they who could get their Health after all these Pains and Perils of Life. Ref: Ulrich Hutten, De Morbo Gallico. A Treatise of the French Disease, publish’d above 200 Years past, trans. Daniel Turner, London, John Clarke, 1730, p. 10-11. |
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dcterms:language | dcterms:RFC5646 | français (fr) | |
dcterms:subject | Français | Douleur | |
Français | histoire de la médecine | ||
Français | Ulrich von Hutten | ||
Anglais | Pain | ||
Anglais | history of medicine | ||
Anglais | Ulrich von Hutten |