Un spectacle redouté : l’accouchement d’une reine FR | EN

DOI : 10.34847/nkl.71acp790 Publique
Auteurs : Géraldine Berger et Louise Bourgeois
FR | EN

Texte de Louise Bourgeois lu par Géraldine Berger.
Enregistrement : service PAVM | DNUM de l’Université Jean Moulin Lyon 3 dans le cadre du webdocumentaire https://medecin-et-douleur-16e18e.huma-num.fr/

Introduction (Raphaële Andrault et Ariane Bayle) :
Louise Bourgeois, sage-femme de Marie de Médicis, relate le premier accouchement de la reine en septembre 1601. Sur les conseils de la sage-...femme, la reine apprend à discerner les contractions « efficaces » de celles, appelées « coliques », qui ne font pas avancer le travail. Le roi Henri IV imagine que ses cousins, qui devaient selon le protocole assister à la naissance, ne supporteraient pas le spectacle offert par les douleurs de la reine.

Texte (Louise Bourgeois) :
Les douleurs pressaient la Reine, à chacune desquelles le Roi la tenait, et me demandait s’il était temps qu’il fit venir les Princes […]. Environ une heure après minuit, le Roi vaincu d’impatience de voir souffrir la Reine, et croyant qu’elle accoucherait, et que les Princes n’auraient pas le temps d’y venir, il les envoya quérir, qui furent : Messeigneurs le Prince de Conti, de Soissons et de Montpensier. Le Roi disait, les attendant : « Si jamais l’on a vu trois Princes en grande peine, l’on en verra tantôt ; ce sont trois Princes grandement pitoyables et de bon naturel, qui, voyant souffrir ma femme, voudraient pour beaucoup de leur bien être bien loin d’ici. Mon cousin le Prince de Conti, ne pouvant aisément entendre ce qui se dira, voyant tourmenter ma femme, croira que c’est la sage-femme qui lui fait du mal. Mon cousin le Comte de Soissons, voyant souffrir ma femme, aura de merveilleuses inquiétudes, se voyant réduit à demeurer là. Pour mon cousin de Montpensier, je crains qu’il ne tombe en faiblesse, car il n’est pas propre à voir souffrir du mal. » Ils arrivèrent tous trois avant les deux heures, et furent environ demi-heure là. Le Roi ayant su de moi que l’accouchement n’était pas si proche, les envoya chez eux, et leur dit qu’ils se tinssent prêts quand il les enverrait appeler. […]
Sur les quatre heures du matin, une grande colique se mêla parmi le travail de la Reine, qui lui donna d’extrêmes douleurs sans avancement. De fois à autres, le Roi faisait venir les médecins voir la Reine, et me parler, auxquels je rendais compte de ce qui se passait. La colique travaillait plus la Reine que le mal d’enfant, et même l’empêchait. Les Médecins me demandèrent : « Si c’était une femme où n’y eût que vous pour la gouverner, que lui feriez-vous ? » Je leur proposai des remèdes qu’ils ordonnèrent à l’instant à l’Apothicaire, lequel leur en proposa d’autres à la façon d’Italie, qu’il disait qu’en pareil cas faisaient grand bien. Eux sachant l’affection qu’il avait au service de sa Majesté, et que si le remède ne faisait tout le bien que l’on en espérait, qu’il ne pouvait faire aucun mal, le firent donner. […]
Le mal de la Reine dura vingt et deux heures et un quart. Elle avait une telle vertu que c’était chose admirable. Elle discerna bien ses douleurs premières et les dernières d’avec les autres, où était cette mauvaise colique, selon que je lui fis entendre.
Pendant un si longtemps qu’elle demeura en travail, le Roi ne l’abandonna nullement ; que s’il sortait pour manger, il envoyait sans cesse savoir de ses nouvelles […].

Réf. : Louise Bourgeois, Observations de Louyse Bourgeois ditte Boursier, Sage-femme de la Royne, livre deuxième, Paris, chez Abraham Saugrain, 1617, p. 150-157.

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Déposée par Raphaele Andrault le 15/12/2021
nakala:title Français Un spectacle redouté : l’accouchement d’une reine
Anglais A Dreaded Spectacle: A Queen in Childbirth
nakala:creator Géraldine Berger et Louise Bourgeois
nakala:created 2020
nakala:type dcterms:URI Son
nakala:license Creative Commons Attribution 4.0 International (CC-BY-4.0)
dcterms:description Français Texte de Louise Bourgeois lu par Géraldine Berger.
Enregistrement : service PAVM | DNUM de l’Université Jean Moulin Lyon 3 dans le cadre du webdocumentaire https://medecin-et-douleur-16e18e.huma-num.fr/

Introduction (Raphaële Andrault et Ariane Bayle) :
Louise Bourgeois, sage-femme de Marie de Médicis, relate le premier accouchement de la reine en septembre 1601. Sur les conseils de la sage-femme, la reine apprend à discerner les contractions « efficaces » de celles, appelées « coliques », qui ne font pas avancer le travail. Le roi Henri IV imagine que ses cousins, qui devaient selon le protocole assister à la naissance, ne supporteraient pas le spectacle offert par les douleurs de la reine.

Texte (Louise Bourgeois) :
Les douleurs pressaient la Reine, à chacune desquelles le Roi la tenait, et me demandait s’il était temps qu’il fit venir les Princes […]. Environ une heure après minuit, le Roi vaincu d’impatience de voir souffrir la Reine, et croyant qu’elle accoucherait, et que les Princes n’auraient pas le temps d’y venir, il les envoya quérir, qui furent : Messeigneurs le Prince de Conti, de Soissons et de Montpensier. Le Roi disait, les attendant : « Si jamais l’on a vu trois Princes en grande peine, l’on en verra tantôt ; ce sont trois Princes grandement pitoyables et de bon naturel, qui, voyant souffrir ma femme, voudraient pour beaucoup de leur bien être bien loin d’ici. Mon cousin le Prince de Conti, ne pouvant aisément entendre ce qui se dira, voyant tourmenter ma femme, croira que c’est la sage-femme qui lui fait du mal. Mon cousin le Comte de Soissons, voyant souffrir ma femme, aura de merveilleuses inquiétudes, se voyant réduit à demeurer là. Pour mon cousin de Montpensier, je crains qu’il ne tombe en faiblesse, car il n’est pas propre à voir souffrir du mal. » Ils arrivèrent tous trois avant les deux heures, et furent environ demi-heure là. Le Roi ayant su de moi que l’accouchement n’était pas si proche, les envoya chez eux, et leur dit qu’ils se tinssent prêts quand il les enverrait appeler. […]
Sur les quatre heures du matin, une grande colique se mêla parmi le travail de la Reine, qui lui donna d’extrêmes douleurs sans avancement. De fois à autres, le Roi faisait venir les médecins voir la Reine, et me parler, auxquels je rendais compte de ce qui se passait. La colique travaillait plus la Reine que le mal d’enfant, et même l’empêchait. Les Médecins me demandèrent : « Si c’était une femme où n’y eût que vous pour la gouverner, que lui feriez-vous ? » Je leur proposai des remèdes qu’ils ordonnèrent à l’instant à l’Apothicaire, lequel leur en proposa d’autres à la façon d’Italie, qu’il disait qu’en pareil cas faisaient grand bien. Eux sachant l’affection qu’il avait au service de sa Majesté, et que si le remède ne faisait tout le bien que l’on en espérait, qu’il ne pouvait faire aucun mal, le firent donner. […]
Le mal de la Reine dura vingt et deux heures et un quart. Elle avait une telle vertu que c’était chose admirable. Elle discerna bien ses douleurs premières et les dernières d’avec les autres, où était cette mauvaise colique, selon que je lui fis entendre.
Pendant un si longtemps qu’elle demeura en travail, le Roi ne l’abandonna nullement ; que s’il sortait pour manger, il envoyait sans cesse savoir de ses nouvelles […].

Réf. : Louise Bourgeois, Observations de Louyse Bourgeois ditte Boursier, Sage-femme de la Royne, livre deuxième, Paris, chez Abraham Saugrain, 1617, p. 150-157.
Anglais https://medecin-et-douleur-16e18e.huma-num.fr/en/excerpts

Introduction (Raphaële Andrault and Ariane Bayle, translated by Sarah Novak):
Louise Bourgeois, midwife to Marie de Medici, recounts the queen's first time giving birth in September 1601. On the advice of the midwife, the queen had learned to discern “effective” contractions from those, described as “colic”, that did not move her labor along. King Henry IV supposed that his cousins, who according to protocol had to attend the birth, would not be able to bear the spectacle of the queen's pain.

Ref: Louise Bourgeois, Observations de Louyse Bourgeois ditte Boursier, Sage-femme de la Royne, livre deuxième, Paris, Abraham Saugrain, 1617, p. 150-157.
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Français histoire de la médecine
Français Louise Bourgeois
Anglais Pain
Anglais history of medicine
Anglais Louise Bourgeois