La goutte, maladie des riches FR | EN

DOI : 10.34847/nkl.63bemnr9 Publique
Auteurs : Géraldine Berger et Jean de La Fontaine
FR | EN

Texte de Jean de La Fontaine lu par Géraldine Berger.
Enregistrement : service PAVM | DNUM de l’Université Jean Moulin Lyon 3 dans le cadre du webdocumentaire https://medecin-et-douleur-16e18e.huma-num.fr/

Introduction (Raphaële Andrault et Ariane Bayle) :
Cette fable de La Fontaine en forme de conte facétieux tient un propos satirique sur le déterminisme social d’une maladie : la goutte. Apa...nage des riches trop bien nourris, elle épargne les pauvres laborieux. La satire s’étend aux médecins, incapables de guérir la maladie, et néanmoins passés maîtres dans l’art de la faire durer, dans la mesure où elle leur offre un gagne-pain parmi la bonne société. A contrario, les villages misérables, dépourvus de médecins, sont épargnés par la goutte.

Texte (Jean de La Fontaine):
LA GOUTTE ET L’ARAIGNEE

Quand l’Enfer eut produit la goutte et l’araignée :
« Mes filles, leur dit-il, vous pouvez vous vanter
D’être pour l’humaine lignée
Également à redouter.
Or, avisons aux lieux qu’il vous faut habiter.
Voyez-vous ces cases étrètes,
Et ces palais si grands, si beaux, si bien dorés ?
Je me suis proposé d’en faire vos retraites.
Tenez donc, voici deux bûchettes :
Accommodez-vous, ou tirez.
Il n’est rien, dit l’aragne, aux cases qui me plaise. »
L’autre, tout au rebours, voyant les palais pleins
De ces gens nommés Médecins,
Ne crut pas y pouvoir demeurer à son aise.
Elle prend l’autre lot, y plante le piquet,
S’étend à son plaisir sur l’orteil d’un pauvre homme,
Disant : « Je ne crois pas qu’en ce poste je chôme,
Ni que d’en déloger et faire mon paquet
Jamais Hippocrate me somme. »
L’aragne cependant se campe en un lambris,
Comme si de ces lieux elle eût fait bail à vie ;
Travaille à demeurer : voilà sa toile ourdie ;
Voilà des moucherons de pris.
Une servante vient balayer tout l’ouvrage.
Autre toile tissue ; autre coup de balai :
Le pauvre bestion tous les jours déménage.
Enfin après un vain essai,
Il va trouver la goutte. Elle était en campagne,
Plus malheureuse mille fois
Que la plus malheureuse aragne.
Son hôte la menait tantôt fendre du bois,
Tantôt fouir, houer. Goutte bien tracassée
Est, dit-on, à demi pansée.
« Oh ! je ne saurais plus, dit-elle, y résister.
Changeons, ma sœur l’aragne. » Et l’autre d’écouter.
Elle la prend au mot, se glisse en la cabane :
Point de coup de balai qui l’oblige à changer.
La goutte d’autre part, va tout droit se loger
Chez un Prélat qu’elle condamne
À jamais du lit ne bouger.
Cataplasmes, Dieu sait. Les gens n’ont point de honte
De faire aller le mal toujours de pis en pis.
L’une et l’autre trouva de la sorte son compte ;
Et fit très sagement de changer de logis.

Réf : Jean de La Fontaine, Fables, III, 8, éd. Marc Fumaroli, Paris, Livre de poche, « La pochothèque », 1997, p. 168-170.

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Cette donnée est dérivée de 10.34847/nkl.f041850a
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Déposée par Raphaele Andrault le 15/12/2021
nakala:title Français La goutte, maladie des riches
Anglais Gout, an Illness of the Rich
nakala:creator Géraldine Berger et Jean de La Fontaine
nakala:created 2020
nakala:type dcterms:URI Son
nakala:license Creative Commons Attribution 4.0 International (CC-BY-4.0)
dcterms:description Français Texte de Jean de La Fontaine lu par Géraldine Berger.
Enregistrement : service PAVM | DNUM de l’Université Jean Moulin Lyon 3 dans le cadre du webdocumentaire https://medecin-et-douleur-16e18e.huma-num.fr/

Introduction (Raphaële Andrault et Ariane Bayle) :
Cette fable de La Fontaine en forme de conte facétieux tient un propos satirique sur le déterminisme social d’une maladie : la goutte. Apanage des riches trop bien nourris, elle épargne les pauvres laborieux. La satire s’étend aux médecins, incapables de guérir la maladie, et néanmoins passés maîtres dans l’art de la faire durer, dans la mesure où elle leur offre un gagne-pain parmi la bonne société. A contrario, les villages misérables, dépourvus de médecins, sont épargnés par la goutte.

Texte (Jean de La Fontaine):
LA GOUTTE ET L’ARAIGNEE

Quand l’Enfer eut produit la goutte et l’araignée :
« Mes filles, leur dit-il, vous pouvez vous vanter
D’être pour l’humaine lignée
Également à redouter.
Or, avisons aux lieux qu’il vous faut habiter.
Voyez-vous ces cases étrètes,
Et ces palais si grands, si beaux, si bien dorés ?
Je me suis proposé d’en faire vos retraites.
Tenez donc, voici deux bûchettes :
Accommodez-vous, ou tirez.
Il n’est rien, dit l’aragne, aux cases qui me plaise. »
L’autre, tout au rebours, voyant les palais pleins
De ces gens nommés Médecins,
Ne crut pas y pouvoir demeurer à son aise.
Elle prend l’autre lot, y plante le piquet,
S’étend à son plaisir sur l’orteil d’un pauvre homme,
Disant : « Je ne crois pas qu’en ce poste je chôme,
Ni que d’en déloger et faire mon paquet
Jamais Hippocrate me somme. »
L’aragne cependant se campe en un lambris,
Comme si de ces lieux elle eût fait bail à vie ;
Travaille à demeurer : voilà sa toile ourdie ;
Voilà des moucherons de pris.
Une servante vient balayer tout l’ouvrage.
Autre toile tissue ; autre coup de balai :
Le pauvre bestion tous les jours déménage.
Enfin après un vain essai,
Il va trouver la goutte. Elle était en campagne,
Plus malheureuse mille fois
Que la plus malheureuse aragne.
Son hôte la menait tantôt fendre du bois,
Tantôt fouir, houer. Goutte bien tracassée
Est, dit-on, à demi pansée.
« Oh ! je ne saurais plus, dit-elle, y résister.
Changeons, ma sœur l’aragne. » Et l’autre d’écouter.
Elle la prend au mot, se glisse en la cabane :
Point de coup de balai qui l’oblige à changer.
La goutte d’autre part, va tout droit se loger
Chez un Prélat qu’elle condamne
À jamais du lit ne bouger.
Cataplasmes, Dieu sait. Les gens n’ont point de honte
De faire aller le mal toujours de pis en pis.
L’une et l’autre trouva de la sorte son compte ;
Et fit très sagement de changer de logis.

Réf : Jean de La Fontaine, Fables, III, 8, éd. Marc Fumaroli, Paris, Livre de poche, « La pochothèque », 1997, p. 168-170.
Anglais https://medecin-et-douleur-16e18e.huma-num.fr/en/excerpts

Introduction (Raphaële Andrault, Ariane Bayle, translated by Sarah Novak):
This facetious fable by La Fontaine contains a satirical statement about the social determinism of a disease: gout. As the exclusive affliction of the well-fed rich, gout spares the hard-working poor. The satire extends to doctors, who are unable to cure the disease but are masters in the art of making it last endlessly, to such an extent that gout allows them to make a living off of high society. On the other hand, miserable villages without doctors are at least spared from gout.

Ref: La Fontaine, Fables, III, 8, ed. Marc Fumaroli, Paris, Livre de poche, « La pochothèque », 1997, p. 168-170.
dcterms:language dcterms:RFC5646 français (fr)
dcterms:subject Français Douleur
Français histoire de la médecine
Français Jean de La Fontaine
Anglais Pain
Anglais history of medicine
Anglais Jean de La Fontaine