Texte de Madame de Sévigné lu par Géraldine Berger.
Enregistrement : service PAVM | DNUM de l’Université Jean Moulin Lyon 3 dans le cadre du webdocumentaire https://medecin-et-douleur-16e18e.huma-num.fr/
Introduction (Raphaële Andrault et Ariane Bayle) :
Dans une lettre du 7 juin 1671 adressée à sa fille, la marquise de Sévigné rapporte non sans humour un épisode de « colique» qui montre à qu...el point, sous l’Ancien Régime, le récit de maladie, loin d’être une histoire strictement personnelle et intime, est souvent prétexte à une scène sociale. Ici les troubles du corps et la douleur ne sont pas l’essentiel : la narratrice se dépeint comme une patiente passive, objet de toutes les attentions de serviteurs et d’amis qui s’agitent, se pressent autour d’elle et font circuler l’information. Plus que la maladie elle-même, compte la sociabilité que cette dernière fait naître.
Texte (Madame de Sévigné) :
À Madame de Grignan. Aux Rochers, ce [dimanche] 7 juin [1671] :
[…] J’allais à la messe à onze heures, en calèche, avec ma tante ; à moitié chemin, j’eus un grand mal de cœur. Je craignis les suites ; je revins sur mes pas. Je vomis beaucoup ; voilà de grandes douleurs dans le côté droit, de grands vomissements encore, mes douleurs redoublées et une suppression qui me tenait dès la nuit. Voilà l’alarme au camp. On envoie chez Pecquet, qui eut des soins de moi extrêmes. On envoie chez l’apothicaire. On prépare un demi-bain plein de certaines petites herbes ; on m’y met. Si j’avais eu dix laquais, ils auraient tous été employés. Je ne songeai point du tout à Mme de La Fayette ; notre petit tapissier, qui allait chez elle pour travailler, lui dit l’état où j’étais. Je vis arriver Mme de La Fayette ; j’étais dans le bain. Elle me dit ce qui l’avait fait venir, et qu’elle avait rencontré un laquais de d’Hacqueville, à qui elle avait dit mon mal, et qu’il viendrait me voir dès qu’il l’aurait appris. Cependant le jour se passe, mais non pas ma colique. Pour moi, je passai mal la nuit. Je n’entendais point parler de M. d’Hacqueville ; je sentis son oubli, j’y pensai, j’en parlai. Le matin, je me portai mieux, et mieux à ces maux, c’est être guéri.
Réf. : Madame de Sévigné, Correspondance, éd. Roger Duchêne, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », t. I, 1972, p. 264-265.
Licence
Creative Commons Attribution 4.0 International (CC-BY-4.0)Collection
nakala:title | Français | Compassion et sociabilité | |
Anglais | Compassion and Sociability | ||
nakala:creator | Géraldine Berger et Madame de Sévigné | ||
nakala:created | 2020 | ||
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nakala:license | Creative Commons Attribution 4.0 International (CC-BY-4.0) | ||
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Texte de Madame de Sévigné lu par Géraldine Berger. Enregistrement : service PAVM | DNUM de l’Université Jean Moulin Lyon 3 dans le cadre du webdocumentaire https://medecin-et-douleur-16e18e.huma-num.fr/ Introduction (Raphaële Andrault et Ariane Bayle) : Dans une lettre du 7 juin 1671 adressée à sa fille, la marquise de Sévigné rapporte non sans humour un épisode de « colique» qui montre à quel point, sous l’Ancien Régime, le récit de maladie, loin d’être une histoire strictement personnelle et intime, est souvent prétexte à une scène sociale. Ici les troubles du corps et la douleur ne sont pas l’essentiel : la narratrice se dépeint comme une patiente passive, objet de toutes les attentions de serviteurs et d’amis qui s’agitent, se pressent autour d’elle et font circuler l’information. Plus que la maladie elle-même, compte la sociabilité que cette dernière fait naître. Texte (Madame de Sévigné) : À Madame de Grignan. Aux Rochers, ce [dimanche] 7 juin [1671] : […] J’allais à la messe à onze heures, en calèche, avec ma tante ; à moitié chemin, j’eus un grand mal de cœur. Je craignis les suites ; je revins sur mes pas. Je vomis beaucoup ; voilà de grandes douleurs dans le côté droit, de grands vomissements encore, mes douleurs redoublées et une suppression qui me tenait dès la nuit. Voilà l’alarme au camp. On envoie chez Pecquet, qui eut des soins de moi extrêmes. On envoie chez l’apothicaire. On prépare un demi-bain plein de certaines petites herbes ; on m’y met. Si j’avais eu dix laquais, ils auraient tous été employés. Je ne songeai point du tout à Mme de La Fayette ; notre petit tapissier, qui allait chez elle pour travailler, lui dit l’état où j’étais. Je vis arriver Mme de La Fayette ; j’étais dans le bain. Elle me dit ce qui l’avait fait venir, et qu’elle avait rencontré un laquais de d’Hacqueville, à qui elle avait dit mon mal, et qu’il viendrait me voir dès qu’il l’aurait appris. Cependant le jour se passe, mais non pas ma colique. Pour moi, je passai mal la nuit. Je n’entendais point parler de M. d’Hacqueville ; je sentis son oubli, j’y pensai, j’en parlai. Le matin, je me portai mieux, et mieux à ces maux, c’est être guéri. Réf. : Madame de Sévigné, Correspondance, éd. Roger Duchêne, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », t. I, 1972, p. 264-265. |
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Anglais |
https://medecin-et-douleur-16e18e.huma-num.fr/en/excerpts Introduction (Raphaële Andrault and Ariane Bayle, translated by Sarah Novak): In a letter from 7 June 1671 addressed to her daughter, the Marquise de Sévigné humorously recounts an episode of “colic” that shows how, under the Ancien Régime, an illness, far from being a strictly personal and intimate matter, is often a pretext for a social scene. Here, body disorders and pain are not the most important aspect: the narrator portrays herself as a passive patient, the object of all the attentions of servants and friends, who are in a state of agitation, crowding around her and sharing information. More than the disease itself, what really matters is the sociability to which it gives rise. Ref: Madame de Sévigné, Correspondance, ed. Roger Duchêne, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », t. I, 1972, p. 264-265. |
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dcterms:language | dcterms:RFC5646 | français (fr) | |
dcterms:subject | Français | Douleur | |
Français | histoire de la médecine | ||
Français | Madame de Sévigné | ||
Anglais | Pain | ||
Anglais | history of medicine | ||
Anglais | Madame de Sévigné |