Texte de René Descartes lu par Géraldine Berger.
Enregistrement : service PAVM | DNUM de l’Université Jean Moulin Lyon 3 dans le cadre du webdocumentaire https://medecin-et-douleur-16e18e.huma-num.fr/
Introduction (Raphaële Andrault et Ariane Bayle) :
Le philosophe René Descartes s’est intéressé de près à la médecine. Dans les Principes de la philosophie (1647), il rapporte un cas de douleur ...fantôme – cette douleur que les amputés ressentent parfois dans les membres qu’ils n’ont plus. Descartes veut prouver que la douleur n’est jamais localisée dans le membre blessé, mais qu’elle est toujours l’effet psychique d’une modification cérébrale. Ici, comme dans d’autres œuvres, le philosophe utilise le phénomène remarquable de la douleur fantôme pour appuyer certaines de ses thèses sur l’union entre le corps et l’esprit.
Texte (Descartes):
[Nous sentons] quelquefois de la douleur, comme si elle était en quelques-uns de nos membres, dont la cause n’est pas en ces membres où elle se sent, mais en quelque lieu plus proche du cerveau par où passent les nerfs qui en donnent à l’âme le sentiment. Ce que je pourrais prouver par plusieurs expériences ; mais je me contenterai ici d’en mettre une fort manifeste. On avait coutume de bander les yeux à une jeune fille, lorsque le Chirurgien la venait panser d’un mal qu’elle avait à la main, à cause qu’elle n’en pouvait supporter la vue, et la gangrène s’étant mise à son mal, on fut contraint de lui couper jusques à la moitié du bras, ce qu’on fit sans l’en avertir, pource qu’on ne la voulait pas attrister ; et on lui attacha plusieurs linges liés l’un sur l’autre en la place de ce qu’on avait coupé, en sorte qu’elle demeura longtemps après sans le savoir. Et ce qui est en ceci remarquable, elle ne laissait pas cependant d’avoir diverses douleurs qu’elle pensait être dans la main qu’elle n’avait plus, et de se plaindre de ce qu’elle sentait tantôt en l’un de ses doigts, et tantôt à l’autre. De quoi on ne saurait donner d’autre raison, sinon que les nerfs de sa main, qui finissaient alors vers le coude, y étaient mus en la même façon qu’ils auraient dû être auparavant dans les extrémités de ses doigts pour faire avoir à l’âme dans le cerveau le sentiment de semblables douleurs. Et cela montre évidemment que la douleur de la main n’est pas sentie par l’âme en tant qu’elle est dans la main, mais en tant qu’elle est dans le cerveau.
Réf. : Descartes, Principes de la philosophie [1647], quatrième partie, article 196, Œuvres complètes, éd. Ch. Adam et P. Tannery, nouvelle présentation par P. Costabel et B. Rochot, Paris, Vrin-CNRS, 1965-1974, tome IXb, p. 315.
Licence
Creative Commons Attribution 4.0 International (CC-BY-4.0)Collection
nakala:title | Français | Le cerveau, siège de la douleur fantôme | |
Anglais | The Brain as the Seat of Phantom Pain | ||
nakala:creator | Géraldine Berger et René Descartes | ||
nakala:created | 2020 | ||
nakala:type | dcterms:URI | Son | |
nakala:license | Creative Commons Attribution 4.0 International (CC-BY-4.0) | ||
dcterms:description | Français |
Texte de René Descartes lu par Géraldine Berger. Enregistrement : service PAVM | DNUM de l’Université Jean Moulin Lyon 3 dans le cadre du webdocumentaire https://medecin-et-douleur-16e18e.huma-num.fr/ Introduction (Raphaële Andrault et Ariane Bayle) : Le philosophe René Descartes s’est intéressé de près à la médecine. Dans les Principes de la philosophie (1647), il rapporte un cas de douleur fantôme – cette douleur que les amputés ressentent parfois dans les membres qu’ils n’ont plus. Descartes veut prouver que la douleur n’est jamais localisée dans le membre blessé, mais qu’elle est toujours l’effet psychique d’une modification cérébrale. Ici, comme dans d’autres œuvres, le philosophe utilise le phénomène remarquable de la douleur fantôme pour appuyer certaines de ses thèses sur l’union entre le corps et l’esprit. Texte (Descartes): [Nous sentons] quelquefois de la douleur, comme si elle était en quelques-uns de nos membres, dont la cause n’est pas en ces membres où elle se sent, mais en quelque lieu plus proche du cerveau par où passent les nerfs qui en donnent à l’âme le sentiment. Ce que je pourrais prouver par plusieurs expériences ; mais je me contenterai ici d’en mettre une fort manifeste. On avait coutume de bander les yeux à une jeune fille, lorsque le Chirurgien la venait panser d’un mal qu’elle avait à la main, à cause qu’elle n’en pouvait supporter la vue, et la gangrène s’étant mise à son mal, on fut contraint de lui couper jusques à la moitié du bras, ce qu’on fit sans l’en avertir, pource qu’on ne la voulait pas attrister ; et on lui attacha plusieurs linges liés l’un sur l’autre en la place de ce qu’on avait coupé, en sorte qu’elle demeura longtemps après sans le savoir. Et ce qui est en ceci remarquable, elle ne laissait pas cependant d’avoir diverses douleurs qu’elle pensait être dans la main qu’elle n’avait plus, et de se plaindre de ce qu’elle sentait tantôt en l’un de ses doigts, et tantôt à l’autre. De quoi on ne saurait donner d’autre raison, sinon que les nerfs de sa main, qui finissaient alors vers le coude, y étaient mus en la même façon qu’ils auraient dû être auparavant dans les extrémités de ses doigts pour faire avoir à l’âme dans le cerveau le sentiment de semblables douleurs. Et cela montre évidemment que la douleur de la main n’est pas sentie par l’âme en tant qu’elle est dans la main, mais en tant qu’elle est dans le cerveau. Réf. : Descartes, Principes de la philosophie [1647], quatrième partie, article 196, Œuvres complètes, éd. Ch. Adam et P. Tannery, nouvelle présentation par P. Costabel et B. Rochot, Paris, Vrin-CNRS, 1965-1974, tome IXb, p. 315. |
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Anglais |
https://medecin-et-douleur-16e18e.huma-num.fr/en/excerpts Introduction (Raphaële Andrault and Ariane Bayle, translated by Sarah Novak): The philosopher René Descartes took a strong interest in medicine. In his Principes de la philosophie [Principles of Philosophy] (1647), he recounts a case of phantom pain—the pain that amputees sometimes feel in limbs they no longer have. Descartes wants to prove that this pain is not truly localized in the missing limb, but that it is instead the psychic effect of a modification of the brain. Here, as in other works, the philosopher uses the remarkable phenomenon of phantom pain to support some of his theses regarding the union between body and mind. Ref: Descartes, Principes de la philosophie [1647], 4th part, article 196, Œuvres complètes, ed. B. Rochot and A. Tannery, Paris, Vrin-CNRS, 1965-1974, t. IXb, p. 315. |
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dcterms:language | dcterms:RFC5646 | français (fr) | |
dcterms:subject | Français | Douleur | |
Français | histoire de la médecine | ||
Français | René Descartes | ||
Anglais | Pain | ||
Anglais | history of medicine | ||
Anglais | René Descartes |